Un texte de Maëlle Morin et Laurence Richard

Alors que des réseaux sociaux comme Facebook, Instagram et Tik Tok attirent mensuellement des milliards d’utilisateur.rices, de plus en plus de solutions de rechange à ces géants du web émergent depuis quelques années. Penchons-nous sur quatre plateformes francophones qui ont en commun le fait d’utiliser la littérature pour relier les internautes et créer des communautés numériques littéraires loin de la publicité.

Panodyssey

Panodyssey est une plateforme web et applicative créée en France par Alexandre Leforestier, mais également disponible en plusieurs langues et dans plusieurs pays. À l’instar de Webtoon, média social sud-coréen où l’on peut lire et créer des romans vidéoludiques, Panodyssey permet à ses utilisateur.trices de publier des créations littéraires originales (mais pas vidéoludiques) et d’interagir avec celles des autres membres de la communauté. L’environnement exempt de publicité et de trolls de la plateforme française la distingue de sa compétitrice asiatique. 

Les auteur.ices de contenus peuvent créer des « Creative rooms » pour classer leurs différentes publications selon leurs thèmes ou encore pour regrouper les différents chapitres d’un texte plus long. Pour l’utilisateur ou l’utilisatrice, l’interface de Panodyssey donne accès à un fil d’actualité général, utile pour découvrir de nouveaux créateurs ou nouvelles créatrices, à un fil d’actualité personnalisé regroupant les publications des créateur·rices auxquel·les on est abonné.e, à une bibliothèque qui permet de naviguer parmi des « Creative rooms » regroupées selon différentes catégories, à une bibliothèque personnalisée composée des « Creative rooms » auxquelles un.e utilisateur.trice est abonné.e (abonnement payant ou abonnement gratuit, selon ce qu’en a décidé la personne autrice) ainsi qu’aux traditionnels onglets de notifications et de réglages du profil. En cliquant sur le profil d’un.e créateur.trice, on peut choisir d’explorer ses « Creative rooms », ses « Publications », soit toutes ses publications originales, ou encore ses « Posts », qui regroupent ses publications originales et les publications d’autres créateur.trices qui ont été repartagées.

Pour commenter le contenu d’un.e auteur.rice, un·e utilisateur.trice doit avoir certifié son compte en envoyant une photo d’une pièce d’identité qui corrobore ses noms et prénoms. Ainsi, tous les membres de la communauté de Panodyssey interagissent avec leurs identités civiles et personne ne peut se cacher derrière un nom d’utilisateur anonyme. Cette mesure permet de diminuer le nombre de trolls et de « fake news » qui circulent sur le réseau social. De même, Alexandre Leforestier a fondé Panodyssey en ayant en tête l’idée d’un réseau social qui ne bombarderait pas ses utilisateur.trices avec de la publicité, c’est pourquoi, bien que l’inscription à Panodyssey soit gratuite, les créateur.trices peuvent rendre l’abonnement à leur contenu payant et ainsi s’assurer un revenu. Il existe aussi un profil « pro » pour les professionnel·les du milieu littéraire qui leur assure une bonne visibilité en échange d’un paiement de 199 euros lors de la création de leur compte. 

Quialu.ca

En avril 2019, le réseau Les Libraires a lancé la plateforme web quialu.ca, une option de rechange québécoise aux grands joueurs que sont Goodreads (États-Unis et Babelio (France). Quialu.ca est donc un réseau social où les lecteur.rices peuvent attribuer une note à leurs lectures, les commenter ou simplement montrer leur appréciation à l’aide d’un pouce en l’air ou d’un pouce vers le bas. Les libraires travaillant dans les librairies indépendantes qui appuient la plateforme peuvent également faire part de leurs évaluations : un crochet vert apparaît à côté de leur nom, ainsi que la mention « libraire » et le nom de la librairie qui les emploie. Il est également possible de se procurer un exemplaire d’un livre en cliquant sur un bouton qui renvoie les utilisateur.ices sur le site Les Libraires. 

La page d’accueil de quialu.ca permet à l’utilisateur.trice de chercher une œuvre spécifique, de naviguer parmi les titres les plus populaires, de personnaliser les recommandations faites par la plateforme et de faire défiler les commentaires les plus récents. Depuis 2020, la plateforme héberge aussi des clubs de lecture publics et privés, dans lesquels – à l’instar des cercles de lecture traditionnels – des membres se réunissent pour discuter d’une œuvre. Les clubs privés sont accessibles sur invitation seulement. 

Quolibet

Quolibet est une plateforme web québécoise qui a été mise sur pied en 2023, par l’initiative de l’auteur et bédéiste David Turgeon. Il s’agit d’un réseau social qui sert à publier de la poésie. Afin de profiter de toutes les fonctionnalités de la plateforme, il faut recevoir une invitation de la part d’une utilisateur.ice qui est déjà membre. Cette méthode d’adhésion mime en quelques sortes les réseaux d’écrivain·es et d’artistes déjà existants, en dehors du numérique. Chaque utilisateur.ice dispose d’un nombre limité d’invitations à transmettre. 

Logo de la plateforme Quolibet

L’interface est simple ; il est uniquement possible d’y inscrire du texte – et le fondateur souhaite que le site demeure ainsi. Les publications sont limitées à 280 caractères et permettent un choix varié de polices de caractères. La page d’accueil présente les publications des utilisateur.ices suivi.es, de la plus récente à la plus ancienne. Il est possible de réagir aux poèmes publiés par les utilisateur.ices suivis, que ce soit en repartageant, en répondant directement aux publications ou en « donnant un cœur ». 

Page d'accueil de la plateforme Quolibet. On y voit l'onglet accueil, l'onglet notifications et celui découverte. On peut voir 5 choix de fontes.

L’onglet découverte permet d’effectuer des recherches par mots, ou encore de trouver des comptes à suivre en défilant à travers les poèmes. Les utilisateur.ices peuvent également afficher leurs publications – livres, zines, articles – sur leur profil. 

Gleeph

Mise sur pied en 2019, l’application a pour but de rassembler une communauté de lecteur.ices autour des œuvres se trouvant dans leurs bibliothèques respectives, qu’elles soient physiques ou virtuelles. L’objectif de Gleeph est de mettre l’accent sur l’aspect social du livre (de l’échange) en créant un espace numérique pour le faire.

Cette application disponible sur IOS ou Android comporte plusieurs volets. À l’aide de l’appareil photo d’un téléphone intelligent, il est possible de numériser les codes-barres des livres. Ceux-ci sont ensuite classés dans une bibliothèque virtuelle, permettant aux utilisateur.ices d’avoir une vue d’ensemble et d’effectuer un classement dans leur bibliothèque.  Une fois le code-barre scanné, la couverture numérique du livre apparaît dans la bibliothèque. 

L’application se veut l’équivalent de Spotify pour la lecture. Elle utilise une intelligence artificielle qui propose de nouveaux titres aux lecteur.ices en fonction de leurs goûts. Selon les premières observations, les suggestions semblent surtout tirées du catalogue de publication de France. L’objectif, donc, est de découvrir des œuvres portant des similitudes au contenu de leurs bibliothèques. Parmi les fonctionnalités offertes, il y a également celle de retrouver les livres contenus dans la liste de souhaits en librairie. 

Gleeph propose également un volet professionnel, pour les acteur.ices de l’écosystème du livre. Gleeph pro mise sur son algorithme pour faire des recommandations aux acteur.ices du milieu du livre. 

Les quatre réseaux sociaux présentés dans cet article servent tous plusieurs fonctions dans l’écosystème littéraire : Panodyssey et Quolibet constituent des canaux de diffusion parallèles aux géants du web pour les écrivain.es professionnel.les ou non, quialu.ca est un lieu de discussion où les lecteur.rices québécois.es peuvent partager leurs opinions sur des livres et Gleeph invite les amateur.rices de littérature à découvrir de nouvelles œuvres en élargissant plus ou moins leurs horizons. Surtout, ces plateformes créent des communautés virtuelles autour de la littérature, que ce soit en permettant aux auteur.rices de communiquer directement avec leur lectorat, en réunissant des lecteur.rices aux goûts similaires ou en ouvrant le dialogue autour d’une œuvre en particulier. Les réseaux sociaux littéraires témoignent d’un renouveau démocratique dans nos façons d’échanger autour de la littérature, en combinant propension communautaire et avantages du numérique.

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