Le journal du brise-lames est une œuvre multimédia qui prend la forme d’un livre et d’un jeu vidéo. Le livre écrit par Juliette Mézenc prend la forme d’un journal dans lequel le brise-lames de la ville de Sète en France inscrit ses journées, les voix qu’il entend, les rêves qui se déposent dans sa composition moléculaire. À mi-chemin entre le journal, la poésie, le théâtre, le roman et l’essai, l’œuvre évite les catégories trop tranchées. Les frontières de sa définition sont poreuses, un peu à l’image du béton qui compose le brise-lames. De plus, la porosité de l’île artificielle est centrale au récit, car ce trait le rend réceptif aux rêves des êtres qui l’entourent. Dans le livre, la chronologie nous est livrée grâce aux dates qui débutent chaque entrée, lui donnant la structure d’un journal. Le récit raconté du point de vue du brise-lames met en scène les rêves d’une femme habitant l’île de béton, une utopie mystique, les mœurs des gens qui visitent la côte de Sète, et la fréquence de la pluie.
1er mai
Mézenc, Juliette. 2020, Le journal du brise-lames, Publie.net, p.21.
Tu rêves que des oiseaux volent, leurs couleurs sont vives. Ils sont découpés dans un papier épais et plastifié. Des oiseaux au corps lustré volent dans un paysage fait dans ce même papier, épais et plastifié. Du jamais vu, pour moi, tu me donnes envie de rêver. Les oiseaux volent et ne se posent jamais.
La partie vidéoludique de l’œuvre est développée par l’artiste Stéphane Gantelet avec la version pour usage personnel (et non corporatif) de l’outil de création Unity. Le jeu vidéo reprend une partie de la structure du livre, mais est divisé en quatre tableaux qui mettent en scène quatre sections de l’œuvre. On déplace notre avatar dans l’espace numérique 3D en montant le curseur de la souris pour accélérer vers l’avant et en le tournant à gauche et à droite pour tourner. Cet avatar est une sphère rose composée de filaments ou de blocs, mais change dans le tableau intitulé «zone Mathilde», devenant la silhouette multicolore d’une femme. La caméra subjective est directement reliée au déplacement de notre avatar dans l’espace, style particulier qui rappelle les jeux vidéos des années 1990 et 2000 qui précèdent la popularité des joysticks indépendants pour le déplacement et pour la caméra.
9 avril
Je suis un être hybride à la proue de la ville, issu du croisement entre l’homme, l’industrie lourde et les éléments naturels, eau, vent, sel, un peu la terre, mais très peu, et puis le feu, j’ai moi aussi mes vacanciers, mouclades et grillades en été.Mézenc, Juliette. 2020, Le Journal du brise-lames, Publie.net, p.13.
L’expérience onirique et immatérielle du livre est rendue par des environnements low-poly (composés de peu de polygones, donc à relief simplifié) à la géométrie changeante et aux textures à basse résolution qui donnent une impression de confusion irréelle tout en reprenant la marque graphique des premiers jeux vidéos en 3D. Le jeu adopte d’ailleurs une esthétique de l’inachèvement. En plus de la composition visuelle rétro, plusieurs éléments de production de jeu vidéo, normalement invisibles, font partie intégrale de l’œuvre. Notamment, de grandes bulles translucides sont disposées à travers certains tableaux, et un événement sonore est déclenché lorsque nous les traversons. Dans d’autres tableaux, ces éléments déclencheurs restent cachés, comme c’est la norme dans les jeux vidéo 3D contemporains. Ces mécanismes laissés visibles révèlent la construction du jeu, accentuant les traits uniques à la poétique du médium du jeu vidéo.
Titre : Le journal du brise-lames
Créateurs.rices:
Juliette Mézenc (autrice)
Stéphane Gantelet (développeur du jeu vidéo)
Éditeur : Publie.net
Date de parution : 15 avril 2020
Lien vers le site de la maison d’édition : https://www.publie.net/livre/journal-du-brise-lames-juliette-mezenc/
Type d’oeuvre : Livre numérique et jeu vidéo littéraire
Support(s) numérique(s) utilisé(s) : Livre numérique format Epub ou MOBI, jeu vidéo produit avec Unity