À quoi ça ressemble, une petite journée du temps des fêtes lorsqu’on travaille et qu’on étudie dans le domaine de la littérature numérique ? Ça peut être un après-midi passé à effectuer des recherches, un latte à la canne de Noël à la main, ou une soirée à se régaler des récits des fêtes qui ont mal vieillis sur le site de Wayback Machine. Cette année, l’équipe a sauté à pieds joints dans la magie des fêtes en décidant de coécrire un conte de Noël avec une intelligence artificielle.
Le conte a d’abord été rédigé en anglais sur NovelAI (GPT-J), puis traduit vers le français par une autre intelligence artificielle, DeepL. Un collègue s’est ensuite servi de l’IA Midjourney afin d’illustrer le conte de manière assez lugubre, nous devons l’avouer, en entrant des mots-clés ou même un extrait du texte (Midjourney n’aime pas Noël, il faut croire). Une journée habituelle, quoi.
Les lecteur.ices pourront d’ailleurs différencier les ajouts de l’intelligence artificielle, en gras, de l’habituelle narration humaine. Le résultat ? Un récit éclaté, un peu drôle, mais surtout maladroit, dans lequel les lecteur.ices ressentiront toute l’excitation de la machine envers le monde merveilleux du père Noël et de son Pôle Nord natal. Ceux qui affirment que les intelligences artificielles n’ont pas d’émotion ni de sensibilité n’ont visiblement pas lu notre conte, La relève du père Noël.
S’il est possible de s’amuser et de composer de joyeuses créations telles que celle-ci, ChatGPT, « une interface de conversation dotée d’une intelligence artificielle, [qui] répond à une panoplie de questions[1] », peut toutefois causer problème dans certains milieux, comme celui de l’enseignement, par exemple. Les élèves et étudiant.es, au lieu de simplement se divertir et de faire écrire un conte de Noël, pourraient demander à l’interface de rédiger certains de leurs travaux, qui construit « des textes généralement bien ficelés à l’aide de quelques simples indications[2] ».
Dans le cas de notre conte de Noël, la marge d’erreur était sensiblement élevée. Vous trouverez, à même le conte [entre crochets], les incohérences et maladresses de l’intelligence artificielle, qui n’a pas toujours su gérer nos grandioses idées créatrices. Nous n’oserions donc vous recommander la coécriture dans le cadre de vos travaux ou de vos activités professionnelles sans relecture attentive. Côté divertissement, cependant… une mine d’or de fous rires et d’idées loufoques !
La relève du père Noël
Le père Noël s’était réveillé tôt, ce matin-là. Il ne pouvait plus dormir. Il devait aller voir les rennes, alors il s’habilla et sortit dans [de ?] sa maison.
Il descendit une étoile et la regarda attentivement : il y avait une note de son fidèle assistant, l’elfe Funky, concernant le renne Grumpy. Les elfes lui avaient laissé deux autres cadeaux : un grand sac de sucre d’orge [en anglais, l’IA avait pourtant question de « candy canes »] et une perche de huit pieds [drôlement précise, cette IA] avec un crochet au bout – une nouvelle corde pour son traîneau. Avec son appel retentissant, il réveilla tout le pôle Nord : « Ho ! Ho ! ». Les rennes accoururent pour voir ce qu’était tout ce vacarme. Quand ils virent le Père Noël, ils surent qu’il était temps de voler. Ils se mirent en action et commencèrent à tirer le traîneau.
Le vol ne se passa pas comme prévu. En effet, le père Noël avait quelques problèmes avec son renne appelé Grumpy. Celui-ci avait demandé une augmentation de salaire il y a quelques semaines et le père Noël ne lui avait pas encore donné de réponse. Cela ne se passait pas bien entre eux.
« J’ai une idée », dit le père Noël. « Tu devrais trouver ton propre travail. »
Grincheux [Grumpy devient Grincheux ? L’IA respecte la loi 96 quand ça lui chante] n’aima pas l’idée, car il aimait beaucoup manger de l’avoine et des carottes.
« Je devrais peut-être créer ma propre entreprise de livraison », dit Grumpy.
« Que ferais-tu alors ? » répondit le père Noël.
« Je livrerai des cadeaux dans le monde entier. Tu seras mon secrétaire. »
Le père Noël ne voulait pas perdre Grumpy au sein de son équipe, mais il voulait aussi faire des bénéfices. Il donna donc à contrecœur à Grumpy la permission de partir avec un préavis de deux semaines.
Quelques jours plus tard [pas fiable ce renne, qui quitte avant ses deux semaines], Grumpy s’était acheté un billet d’avion et était prêt à partir. Le père Noël essaya de lui faire entendre raison. Mais le lutin [Grumpy devient un elfe ?] têtu insista pour partir et il monta dans l’avion.
« Tu vas me manquer, Grumpy. Tu auras toujours une place dans mon équipe », dit le père Noël en lançant en l’air le paquet de poudre magique qu’il tenait dans sa main. Le message fut envoyé à Grumpy sous forme de musique avec la signature singulière du père Noël : une odeur familière de pin avec une touche de pain d’épice.
Mais le père Noël n’avait pas encore fini, il se rendit à l’atelier où il trouva son dernier cadeau. Un petit sac de biscuits. Il s’agissait d’une sorte spéciale de biscuits qui ne pouvaient être fabriqués que par la recette secrète de mère Noël. Alors qu’il mangeait le dernier biscuit pour se réconforter, une larme perla au coin de son œil. Mère Noël le prit dans ses bras par-derrière.
« Ce n’est pas ta faute », dit-elle. « Il a toujours été grincheux, il est né comme ça ».
« Je sais, je sais », sanglota le père Noël.
« Mais tu sais avec quoi d’autre il est né ? » demanda-t-elle. « De la loyauté ».
Sur cette réponse, mère Noël prit la main du père Noël et le conduisit devant la porte de l’étable où était entreposé le traîneau. Elle lui fait découvrir une toute nouvelle enseigne, où le père Noël put lire : « Services de livraison de Grumpy ».
Noël manquait à Grumpy et au père Noël aussi. Alors Grumpy se remit à voler, mais cette fois avec son propre avion. Il avait beaucoup de commandes à remplir.
Cette année, le père Noël avait fait quelque chose de différent : il avait envoyé les rennes dans leurs villages d’origine, où ils pouvaient passer les fêtes avec leurs familles. Cela faisait effectivement quelques années que le père Noël commençait à se sentir vieux. Cette année, il avait même envisagé de prendre un congé sabbatique pour réfléchir à l’avenir de son industrie, car les enfants du monde entier envoyaient de moins en moins de courrier. Mais avec Grumpy reprenant l’activité, créant même la sienne, tout se mettait en place. L’avenir de la distribution de cadeaux était pris en charge. Il ne pouvait pas être plus heureux.
Le conte a été généré par Claudie Létourneau et les images par William Pépin.
[1] Anne-Marie Provost, « ChatGPT créé une onde de choc dans le monde de l’enseignement », dans Le Devoir [en ligne] https://www.ledevoir.com/societe/774546/chatgpt-cree-une-onde-de-choc-dans-le-monde-de-l-enseignement-au-quebec (Page consultée le 14 décembre 2022).
[2] Id.