Nom : Tendance Négative
Statut : Maison d’édition
Énoncé de la mission : « Donner un nouveau sens à la lecture, un sens qui transcende le mot et l’image »
Équipe : Romain Bigay, Marine Boutroue, Clément Buée, Anne Lecompte, Corentin Sparagano, Florian Targa
Année de fondation : 2012
Lieu : Paris
Lien vers le site : https://www.tendancenegative.org/
Oubliez le codex, les mots en noir sur fond blanc, la lecture de gauche à droite sur des pages symétriques : la maison d’édition française Tendance Négative s’amuse avec les codes et les classiques littéraires. Se spécialisant dans la réimpression de nouvelles libres de droits, elle propose deux collections : « Bonnes nouvelles », qui se consacre aux histoires fantastiques, et « Que fait la police ? », qui se dédie aux récits d’enquêtes. Alors que la collection « Bonnes nouvelles » offre des formats plus éclatés, ceux de « Que fait la police ? » sont imprimés sous la forme d’un calepin dans lequel sont compilés des notes manuscrites, des extraits de journaux, des lettres, etc.
Si la maison d’édition propose ses propres traductions – ce qui est appréciable –, elle se démarque surtout par l’attention qu’elle porte à la mise en page et au graphisme. Dans tous ses projets, la fiction vient influencer les décisions éditoriales et, conséquemment, l’expérience de lecture elle-même.
L’étrange histoire de Benjamin Button
Dans L’étrange histoire de Benjamin Button, une nouvelle écrite par l’Étatsunien F. Scott Fitzgerald en 1922, le personnage principal, Benjamin, naît avec les caractéristiques d’un vieillard. Des rides strient son visage et des douleurs chroniques accompagnent chacun de ses mouvements. Il vit à contresens et chacun de ses anniversaires le rajeunit : ses maux s’estompent, ses traits s’adoucissent, sa vigueur augmente, sa taille diminue… jusqu’à ce qu’il devienne un bébé.
Dans l’édition de Tendance Négative, l’objet-livre lui-même s’inspire du personnage principal : non seulement le papier rajeunit, passant du jaunâtre au blanc, mais le texte se lit aussi « à l’envers » à l’aide d’un miroir.
Le papier peint jaune
Un autre bon exemple du travail d’adaptation effectué par Tendance Négative est son édition de la nouvelle Le papier peint jaune publiée en 1892 par Charlotte Perkins Gilman.
Dans cette fiction féministe et horrifique écrite à la première personne, Mary souffre de dépression périnatale. Pour tenter de l’aider, son mari, John, loue une maison en campagne afin qu’elle puisse s’y reposer. Néanmoins, seule à longueur de journée, très peu stimulée, Mary tombe tranquillement dans une psychose alimentée notamment par le papier peint jaune qui recouvre tous les murs de sa chambre. Les motifs semblent prendre vie; des femmes y sont enfermées, croit-elle. Elle décide finalement de déchirer tout le papier pour libérer ces prisonnières.
Dans l’édition de Tendance Négative, alors que le papier peint jaune devient une obsession pour Mary, le texte, étouffé par les motifs floraux, prend de moins en moins de place sur la page. Plus encore, le lecteur ou la lectrice est invité.e à découper les pages – le papier peint – pour dévoiler ce qui s’y cache.
Huit ouvrages ont été adaptés jusqu’à maintenant par la maison d’édition. En vente sur le site web de Tendance Négative, ils font l’objet d’un tirage limité, de plusieurs centaines d’exemplaires à quelques milliers, pour les plus récents. Tous, sans exception, illustrent bien comment des décisions éditoriales, matérielles, peuvent influencer la lecture et la réception d’une œuvre.