L’ouvrage Pratiques de l’édition numérique (2014) est un collectif qui synthétise l’état des lieux, les outils et les théories propres aux pratiques éditoriales émergentes du début des années 2010. Dirigé par Michaël E. Sinatra et Marcello Vitali-Rosati, professeurs à l’Université de Montréal, l’ouvrage s’inscrit dans un projet plus large de réflexions sur le numérique. En effet, Pratiques de l’édition numérique est l’un des premiers livres publiés dans la collection « Parcours numériques » des Presses de l’Université de Montréal, collection qui, depuis, encourage la discussion sur les modalités du web. En plus d’une version papier, les livres de la collection sont offerts en libre accès sous format numérique (PDF, ePub) et web enrichi.
Dans le premier axe, Patrick Poirier et Pascal Genêt reviennent sur l’histoire des pratiques éditoriales, afin de contextualiser le propos du livre. Alain Mille fait de même en synthétisant adroitement l’histoire d’Internet et du web. Enfin, Michael E. Sinatra et Marcello Vitali-Rosati poursuivent la réflexion des précédents chapitres en discutant de l’émergence des humanités numériques (ou sciences humaines numériques, de l’anglais Digital Humanities) dans lesquelles l’ouvrage s’inscrit.
Le deuxième axe développe les théories qui façonnent les pratiques numériques. Marcello Vitali-Rosati questionne les définitions du numérique afin d’en dégager les enjeux et écueils, précisant que le numérique « devient une véritable culture, avec des enjeux sociaux, politiques et éthiques fondamentaux. » (Vitali-Rosati, p.69) Dans son chapitre sur le web sémantique, Yannick Maignien revient sur les propositions de Bruno Bachimont afin d’en nommer les caractéristiques et d’en cibler l’usage dans le discours, plus large, sur les métadonnées. Enfin, Gérard Wormser synthétise les modèles économiques propres à l’édition numérique à partir d’une réflexion sur les pratiques éditoriales, alors que Jean-Claude Guédon termine l’axe théorique en discutant des conditions propres au libre accès et à la commercialisation des œuvres scientifiques.
Le dernier axe rassemble des chapitres qui portent sur les questions des nouvelles techniques propres à un environnement éditorial numérique. Jean-Phillippe Magué discute des protocoles d’Internet et du web (IP, HTTP, URL, SSH, FTP), tandis que Viviane Boulétreau et Benoît Habert abordent les différents formats du numérique, avec un accent sur l’interopérabilité et la pérennité. Grégory Fabre et Sophie Marcotte mettent en pratique les questions soulevées par Maignien en discutant de l’organisation des métadonnées. Dans son chapitre, Fabrice Marcoux discute du livrel, et plus largement du format ePub, ainsi que de ces fonctionnalités. Stéfan Sinclair et Geoffrey Rockwell, quant à eux, discutent des possibilités du texte numérique, en tant qu’outil, pour les lecteur.trices et chercheur.ses. Hélène Beauchef termine cet ouvrage en détaillant la conception d’un projet éditorial dédié au web.
Réfléchir l’édition
Le livre s’inscrit dans le discours plus large qui entoure la notion d’éditorialisation et, plus spécifiquement, s’inscrit dans le paysage des humanités numériques. Sa parution était d’ailleurs suivie de deux journées d’étude sous le thème « Éditorialisation et nouvelles formes de publication », dont un accès aux vidéos a été mis en annexes dans l’édition web du livre.
Empruntant la voie esquissée par Bruno Bachimont en 2007, les textes de Pratiques de l’édition numérique encouragent une réflexion technique, en sortant des pratiques éditoriales habituelles. Sans toutefois vraiment couvrir l’état du marché et de la réflexion sur ce qu’est le livre au début du XXIe siècle — et en ce sens, l’ouvrage manque en exemples, esquissant plutôt certaines caractéristiques des pratiques éditoriales —, le collectif parvient à cibler quels sont les enjeux à venir. S’il dresse un portrait intéressant pour les néophytes de l’édition (numérique comme traditionnelle), il n’invite toutefois pas une réflexion prolongée sur le statut du livre numérique. Le travail de réflexion proposé au douzième chapitre par Sinclair et Rockwell discute des propriétés du livre numérique, mais ne fait pas état du potentiel en termes de modalités de lecture. À cet effet, l’ouvrage se concentre sur les limites formelles du texte numérique (code, web sémantique), l’éditorialisation (en tant que nouveau paradigme), et les apports pour la recherche scientifique.
Si les versions ePub et PDF reprennent fidèlement le texte tel que publié en 2014, la version web offre un contenu additionnel aux lecteur.trices intéressé.es à poursuivre la réflexion. La plupart des chapitres sont rehaussés de vidéos ou de notes explicatives visant à enrichir le contenu. Ce « livre-web » exemplifie adéquatement ce dont il est question dans l’ouvrage, c’est-à-dire investir autrement l’espace éditorial rendu possible par le numérique
Titre : Pratiques de l’édition numérique
Directeurs : Michaël E. Sinatra et Marcello Vitali-Rosati
Éditeur : Presses de l’Université de Montréal
Date de publication : 2014, mis à jour en 2015
Format : papier, numérique et web
Lien libre d’accès : https://www.pum.umontreal.ca/catalogue/pratiques-de-ledition-numerique
Lien vers la version web : https://books.openedition.org/pum/306?lang=fr