L’œuvre fait partie de la collection « Les immatériels », catalogue chez sun/sun dont les projets sont l’extension d’installations multimédias; les textes sont tirés de l’installation générative This is Major Tom to Ground Control, présentée en 2012. Le projet de Béland se décline donc en deux volets : une proposition installative et un recueil de poésie à l’identité graphique marquée par le grésillement des ondes captées.
Une sonde spatiale soumise à des interférences : le recueil comme métaphore
Ce que l’on remarque lorsque nous ouvrons Le vide de la distance n’est nulle part ailleurs, c’est le dispositif graphique : les premières pages sont complètement noires. Plus nous feuilletons le recueil, plus celles-ci laissent paraître des zones de blanc ici et là. C’est à ce moment qu’on réalise que les pages noircies consistaient en fait en la superposition de milliers de caractères qui, au fil de la lecture, tendent à diminuer en nombre pour donner à lire du contenu poétique. Le texte, à l’image d’ondes captées et dont les interférences diminueraient en intensité, devient tout à coup lisible.
« Ma pratique des dix dernières années explore les potentialités de la machine comme entité créatrice. En utilisant les outils de la programmation informatique et de l’intelligence artificielle, je conçois des installations génératives qui traduisent des phénomènes imperceptibles à échelle humaine en nouvelles formes narratives. Au croisement des arts et de la science, mon travail interroge les flux, les espaces de silence et les traces invisibles qui composent notre rapport au monde. »
– Véronique Béland (site personnel)

En réalité, le recueil de poésie de Béland est l’aboutissement d’une démarche artistique autre. Il est la synthèse de 11 545 fragments et de 27 575 pages imprimées dans le cadre de l’installation This is Major Tom to Ground Control (dont le titre rappelle par ailleurs les paroles de la chanson « Space Oddity » de David Bowie). La proposition consistait en un générateur de texte aléatoire analysant les « ondes radio provenant du cosmos » captées par un radiotélescope de l’Observatoire de Paris. Les ondes ont été traduites en phrases par programmation (réalisée par Guillaume Libersat). Un dispositif sur place imprimait le texte en continu tout en le récitant à l’aide d’une voix de synthèse. Par ailleurs, le titre du recueil est en réalité la première phrase ayant été générée.
« Cette démarche s’ancre dans un parcours où les notions de langage et de mémoire ont toujours occupé une place centrale. Avant d’exploiter les systèmes autonomes, j’ai travaillé le livre d’artiste, les arts d’impression, la photographie et le son comme autant de supports pour capter et recomposer des fragments d’expériences, de souvenirs ou d’absences. Collecter, classer, transcrire : ces gestes étaient déjà une façon de donner forme à l’invisible. »
– Véronique Béland (site personnel)

Un tel projet s’interroge à la fois sur la littérarité des textes (soit leur dimension littéraire) et sur la place de ces derniers dans un écosystème médiatique plus large; le texte apparaît effectivement comme secondaire vis-à-vis des choix graphiques proposés, si bien qu’il se donne davantage à voir qu’à lire. Présenter un texte littéraire en mettant d’abord de l’avant son illisibilité totale, puis partielle, témoigne d’une volonté d’exploiter la poésie dans un rapport davantage orienté sur l’image et les stratégies graphiques exploitées.
Titre : Le vide de la distance n’est nulle part ailleurs
Créateur.ice : Véronique Béland
Maison d’édition : sun/sun et Bipolar production
Date de parution : 2016
Lien vers l’œuvre : https://veroniquebeland.art/le-vide-de-la-distance
Type d’œuvre : recueil de poésie générative