Un article d’Irma Bouchard et de Thomas Crête-Varty

Empreintes est un projet pancanadien, né en avril 2020, se déployant sur le site web de Radio-Canada. La plateforme regroupe des récits humains et sensibles qui cherchent à raconter le territoire. Elle permet aux lecteur.ices de découvrir des personnalités uniques et variées laissant leur empreinte sur le territoire qu’ils.elles habitent. Les histoires racontées sont à échelle humaine, et les personnes qui font l’objet d’un article démontrent une connexion particulière à leur région ou leur environnement. Le portail met en relation des journalistes et des photographes de l’ensemble des stations francophones du pays et a pris forme grâce aux Médias régionaux et aux Médias numériques de Radio-Canada. 

Plusieurs procédés tels des images, des images animées, des vidéos et des séquences audio ont été employés par les créateur.ices, témoignant de leur désir d’explorer les possibilités du numérique. L’esthétisme évoque celui du grand reportage, distinguant les récits d’Empreintes des textes de nouvelle que l’on trouve habituellement sur radio-canada.ca.

Selon chaque récit, le format varie, mettant parfois l’accent sur le texte, d’autres fois sur l’image, selon ce qui sied mieux au propos. Le récit Ultra Nan: l’art pour éveiller et émerveiller, par exemple, utilise un format « diapositive » dans lequel l’image prime sur le texte alors que Le salon de Plaquie: libérer les cheveux naturels et la parole joue avec la disposition des images et du texte, associant portraits et mots. On y trouve également l’insertion d’un texte poétique écrit par Plaquie Zion, une artiste détenant un salon de coiffure qui s’inscrit dans le mouvement nappy, dans Saint-Roch.

Capture d'écran de l'article « Le salon de Plaquie: libérer les cheveux naturels et la parole », on y voit une illustration de Plaquie Zion et un poème qu'elle a écrit.
Dessin tiré du reportage Le salon de Plaquie © Olivia Laperrière-Roy
Capture d'écran de l'article « Ultra Nan: l'art pour éveiller et émerveiller », on y voit un enfant tenant un dessin du personnage Ultra Nan devant un globe terrestre.
Photo tirée du reportage Ultra Nan © André Vuillemin

Deux articles où les mots et les procédés se font écho

L’Ange qui a mis des milliers d’enfants au monde

Ce reportage met en lumière le travail de Lalita Malhotra, une gynécologue originaire de Delhi, en Inde, qui s’est installée à Prince Albert en 1975. Œuvrant depuis plus de quarante ans dans le système de santé autochtone, elle prend soin des femmes d’une dizaine de communautés du nord de la Saskatchewan. Lalita Malhotra, qui a 79 ans aujourd’hui, est surnommée « l’ange du nord » en raison de sa capacité d’écoute exceptionnelle. Sa manière d’accompagner ses patientes dans leurs différentes épreuves va au-delà du geste médical. Elle lutte également contre la violence faite aux femmes et participe à la réalisation d’une école de métiers pour aider les jeunes décrocheurs. Le fait qu’elle ait reçu l’Ordre du mérite de la Saskatchewan en 2001, l’Ordre du Canada en 2017 et la couverture traditionnelle Star Blanket par les aîné.es autochtones témoigne de l’impact considérable qu’elle a sur sa communauté. 

Dans ce récit touchant, il y a un segment audio où l’on peut entendre battre le cœur d’un enfant que « l’ange du nord » a aidé à mettre au monde. Il montre que le contenu et la forme de l’article se font échos, à travers l’écoute. Il concrétise également le travail de Malhotra et joue en métaphore le cœur qu’elle met à l’ouvrage.

« Je n’ai pas d’ordinateur lorsque je travaille; je n’aime pas ça. L’intimité et la confiance naissent lorsque je m’assois et que je m’adresse à la femme qui est devant moi. Comment voulez-vous que je parle à une patiente si je dois retranscrire mes notes à l’écran en même temps? »

Lalita Malhotra
Capture d'écran de l'article « L'Ange qui a mis des milliers d'enfants au monde »,  on y voit deux femmes, dont la Dre Lalita Malhota.
Tara Arcand et Lalita Malhotra © Radio-Canada
Capture d'écran de l'article « L'Ange qui a mis des milliers d'enfants au monde »,  on y voit Lalita Malhota faisant un écographie.
Capture d’écran montrant l’imbrication de l’audio dans le reportage © Radio-Canada

« Pour moi c’est comme ça qu’une communauté se lie: par l’intimité. »

Lalita Malhotra

Sur les traces des géants de l’île de Vancouver

Ce reportage brosse un portrait de la titanesque flore de la côte ouest canadienne. Le reportage mêle le récit journalistique, des capsules historiques et des entretiens pour mettre de l’avant les liens qui unissent les forêts anciennes et les sociétés qui les ont côtoyées et exploitées.

Le texte est divisé en quatre segments, chacun explorant une région et sa réalité distincte. La première partie, Un colosse isolé et vulnérable, parle de Big Lonely Doug, un sapin de Douglas énorme qui reste debout au milieu d’une vallée rasée. Ensuite, Une espèce emblématique depuis des millénaires relate la place importante du thuya géant (le cèdre rouge de l’Ouest) pour les habitants de la côte ouest et particulièrement pour les gens de la nation Ditidaht et d’autres nations autochtones du nord-ouest de l’Amérique. Les usages traditionnels de l’arbre sont multiples : il sert dans la fabrication de maisons, de canoës, de vêtements, d’outils de chasse, de remèdes et son écorce peut être tressée. Le segment intitulé Un arbre mythique raconte le périple des journalistes pour trouver le Carmanah Giant, un épicéa de Sitka de 96 mètres, l’arbre le plus haut répertorié au Canada. Finalement, Des luttes qui se poursuivent examine la situation des zones forestières anciennes non protégées de la côte ouest. Malgré le fait que certaines zones soient protégées, l’exploitation de forêts anciennes a augmenté dans les dernières années, engendrant la construction de barrages routiers de la part de groupes activistes.

L’article démontre un usage judicieux des particularités éditoriales de la série Empreintes. La lecture en défilement vers le bas semble toute désignée pour un article qui traite d’arbres géants! Ce mode de lecture guide le regard depuis la cime des arbres photographiés vers les racines. Les titres des sections du texte sont aussi présentés sous la forme de courtes animations (gifs) représentant des prises de vue des forêts millénaires de la Colombie-Britannique. Ces séquences brèves, les nombreuses photographies et les descriptions du territoire rendent le récit journalistique davantage immersif.

« Nous avons pris la route et un pas de recul, et enfilé nos bottes de randonnée pour suivre les traces des gens qui ont répertorié les plus impressionnants d’entre ces arbres. Pour les voir à travers le regard de ceux qui s’en servent, les étudient et les protègent. »

Frédéreik-Xavier Duhamel, Sur les traces des géants de l’île de Vancouver, dans Empreintes, 9 juin 2021.
Capture d'écran de l'article « Sur les traces des géants de l'île de Vancouver », on y voit la cime d'un énorme sapin de Douglas.
La cime de Big Lonely Doug à Eden Grove, sur l’île de Vancouver © Radio-Canada / Camille Vernet
Capture d'écran de l'article « Sur les traces des géants de l'île de Vancouver », on y voit trois prises de vues d'un thuya géant, il est le plus gros arbre connnu du Canada.
© Radio-Canada / Camille Vernet

Le rayonnement d’Empreintes

À sa sortie, le site comptait neuf récits numériques et annonçait du nouveau contenu chaque mois. Force est de constater qu’Empreintes a tenu sa promesse en livrant aujourd’hui plus de quarante articles numériques.

La plateforme étant relativement récente, peu de sources extérieures s’y sont penchées. Pour accompagner l’inauguration de la plateforme, le journaliste Martin Toulgoat a pu parler de son article pour Empreintes à la radio et en transmettre les grandes lignes. L’entrevue porte sur la réalité des gens habitant l’île d’Anticosti, mais aussi sur la ligne éditoriale plus générale de la collection de récits numériques. Puis, en 2021, Vicky Boutin remportait un prix coup de cœur du jury dans le cadre des 36e Prix du journalisme en loisir pour son article sur le microclimat des monts Valin publié dans la série Empreintes. L’indompotable vallée des fantômes décrit ce mystérieux paysage saguenéen et raconte l’expérience d’un groupe de randonneur.euses s’y aventurant. 

Carte géographique du Canada sur laquelle on voit des points d'ancrage qui donnent accès aux différents récits numériques d'Empreintes.

Cette carte du Canada affichée sur le site d’Empreintes permet d’accéder aux récits en cliquant sur les marqueurs qui indiquent le lieu où ils se déroulent. La carte rend compte de l’ampleur du projet qui rassemble le vécu de gens qui se trouvent à des milliers de kilomètres de distance. Le portrait des différentes régions permet ainsi de représenter la diversité des réalités à travers le pays. Chaque récit vient ajouter une couleur à une mosaïque d’histoires toutes particulièrement humaines.

Nom de l’éditeur : Radio-Canada
Nom de la collection : Empreintes
Ligne éditoriale : Mettre en valeur des individus et leur relation au territoire par le biais d’un portrait

Année de fondation : 2020
Site : http://www.agencetopo.qc.ca/

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