De mars à mai 2021, ce « printemps » des études du livre au XXIe siècle visait à mettre en valeur les chantiers de recherche en cours et à mettre en lien les jeunes chercheur⋅es d’un domaine scientifique qui se dessine à l’intersection de la littérature contemporaine, de l’histoire du livre et de l’édition, de la culture médiatique et des arts visuels.
Le site de l’événement a rendu disponibles, à partir de la semaine du 8 mars 2021 et de façon périodique, les contributions des participant⋅es au colloque. Une discussion ouverte suivait chacune d’elles, pour conduire à un événement-synthèse qui s’est tenu le 17 mai 2021.
Présentation du colloque
Le colloque s’est déroulé sous la forme de cinq livraisons publiées à intervalles de deux semaines, de la mi-mars à la mi-mai 2021.
Programme
Première livraison (10 mars 2021)
- Corentin Lahouste, UCLouvain
« Difformations livresques contemporaines » - Morgan Frères, Université Sorbonne Nouvelle
« Littérature jeunesse et communautés de lecteur.trice.s : Animant Crumbs Staubchronik » - Antoine Fauchié, Université de Montréal
« Déployer le livre »
Deuxième livraison (24 mars 2021)
- Izabeau Legendre, Université Queen’s
« Les zines contre internet : s’éditer, ou se dématérialiser » - Prune Lieutier, Université du Québec à Montréal
« Les défis et enjeux de production constatés en édition numérique jeunesse au Québec » - Pamela Ellayah, Université du Maine-Le Mans
« Fabriquer le patrimoine de l’album jeunesse au XXIe siècle » - Margot Mellet, Université de Montréal
« Défaire et remédier le livre. Analyse de la figure-écran du livre dans The Pillow Book de Peter Greenaway »
Troisième livraison (7 avril 2021)
- Maxime Bolduc, Université de Sherbrooke
« Entre image de marque et personnalité bien campée :
l’usage des réseaux sociaux chez Marchand de feuilles et Boréal » - Margarita Molina Fernandez, Université du Québec à Montréal
« L’indifférence aux supports du milieu éditorial de la bande dessinée numérique :
un problème de médiagénie et de littératie numérique » - Tom Lebrun, Université Laval
« De l’appropriation fanique des sources à la réécriture d’un premier jet produit par la machine :
éléments de typologie textuelle en matière de génération par apprentissage machine »
Quatrième livraison (21 avril 2021)
- Barbara Bourchenin, Université Bordeaux Montaigne
« Livres de l’art actuel : imaginaires paradoxaux de la fin du livre » - Camille Simard, Université du Québec à Montréal
« Quels liens entre les enseignant-e-s du collégial et le milieu éditorial québécois ? » - Allan Deneuville, École Universitaire de Recherche ArTeC/Université du Québec à Montréal
« De l’écran à la page : déjouer la logique des plateformes numériques et redéfinir le livre » - Jade Pétrault, Université de Rennes 2
« Les livres ambulants : histoire d’une double réincarnation »
Cinquième livraison (5 mai 2021)
- Joanie Grenier, Université de Sherbrooke
« Mesurer la découvrabilité du livre québécois en ligne : méthodologie développée et premiers résultats de recherche » - Emmanuelle Lescouët, Université de Montréal
« La notifiction : ancrer le livre dans le quotidien » - Stéphanie Parmentier, IMSIC (Aix-Marseille Université)
« Les livres du XXIe siècle seront sur Wattpad, KDP ou TikToK ou ne seront pas ? » - Sara Vergari, Aix-Marseille Université
« La dématérialisation de l’édition de poésie. Diffusion numérique et critique littéraire : le dialogue est-il possible ? »
Rencontre synchrone finale (17 mai 2021)
Une rencontre synchrone a eu lieu sur Zoom le 17 mai, à 9h30 (heure du Québec) / 15h30 (heure d’Europe de l’Ouest) ; elle réunissait l’ensemble des participant.e.s. (Elle n’a pas fait l’objet d’un enregistrement.)
Bilan suivant le colloque: «Définir collaborativement le chantier des études du livre au XXIe siècle»
Dans ce billet, René Audet, Julien Lefort-Favreau et Mélodie Simard-Houde reviennent sur l’événement, ses perspectives et avancées.
À propos du colloque Études du livre au XXIe siècle
Argumentaire
La culture numérique a profondément bouleversé, notamment depuis les années 2000, le monde du livre. Les pratiques actuelles de création, d’édition et de lecture se reconfigurent en partie autour de nouveaux formats et supports du livre et de la littérature : livres « enrichis » ou « augmentés », livres numériques, livres audio, applications interactives pour appareils mobiles, hypertextes navigables sur le web. Dans ce processus de métamorphose, l’idée du « livre » – qu’il soit imprimé, numérique ou hybride, « homothétique [1] » ou nativement numérique – occupe toujours une place essentielle, mais penser ses formes, sa production, sa diffusion, son positionnement au sein de la culture ne peut désormais faire l’économie d’une réflexion sur les conséquences de l’entrée dans l’ère numérique.
Les études sur l’édition, le livre et son histoire doivent ainsi prendre acte de ces bouleversements, qui appellent – c’est le constat motivant cette journée scientifique – la définition d’un nouveau champ d’étude, interrogeant spécifiquement le livre – ou les livres – du XXIe siècle. Prenant appui sur la réflexion amorcée dans le monde anglophone des « book studies [2] », cette journée souhaite mettre de l’avant des chantiers émergents pouvant se rattacher aux études sur le livre du XXIe siècle. Quelles sont les implications pour les approches du livre contemporain de ce dialogue ouvert avec la culture numérique ? Comment se positionner critiquement, dans les cultures de langue française, en regard des réflexions déjà entamées à ce sujet dans le monde anglophone ?
Les propositions pourront s’inscrire notamment dans l’un des axes suivants :
1. Les nouvelles sources des études sur le livre
L’un des enjeux de l’étude du livre du XXIe siècle est dessiné par ses nouveaux modes de diffusion et de commercialisation. Comment récupérer et utiliser les données provenant des nouvelles sources médiatiques qui tracent l’histoire vivante du livre aujourd’hui, tels les sites d’entreposage numérique, de distribution et de vente en ligne, ou encore les réseaux socio-numériques, où s’expriment des communautés virtuelles de lecteurs ?
2. La modélisation des circuits de production et de diffusion du livre
Comment envisager les nouveaux modèles de production, le rôle des sites d’entreposage, de vente et de diffusion du livre numérique dans la chaîne du livre ? Il serait utile de s’interroger sur la coexistence de modèles de diffusion traditionnels et de plateformes de contenu diffusé en continu. Plus encore, le recours à des stratégies numériques de diffusion du livre papier délimite de nouvelles interactions entre les réseaux sociaux et la commercialisation classique du livre. Comment modéliser ces circuits de production et de diffusion du livre aujourd’hui ? Comment revoir et adapter les modèles et théories antérieurs ?
3. La périodisation de l’histoire du livre et l’historicisation de ses questionnements
De nombreuses pratiques du XXIe siècle sont nées à la fin du XXe siècle. Quelles continuités affirmer entre histoire du livre au XXe siècle et au XXIe siècle ? Par ailleurs, comment l’histoire plus ancienne du livre peut-elle éclairer le livre du XXIe siècle et inversement ? Il paraît nécessaire de réfléchir aux questionnements fondamentaux de l’histoire du livre qui persistent quand on aborde le numérique – pensons à l’étude du rôle de l’éditeur et de l’« éditorialisation » sur le web (Vitali-Rosati) ; à l’évaluation des effets des formats et des supports nouveaux sur la création (incorporation par les œuvres et les producteurs culturels d’un imaginaire du support et des formes du livre) comme sur la lecture, à leur incidence sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle, et sur la mondialisation culturelle.
4. La perméabilité et les frontières disciplinaires des études sur le livre
L’histoire du livre s’est d’emblée pensée et affirmée comme un champ d’étude interdisciplinaire [3]. Puisant à la fois à l’histoire, à la science de la communication, aux études culturelles, à la sociologie, aux sciences de l’éducation, aux arts visuels, ses frontières disciplinaires sont délibérément poreuses. Il nous importe de poursuivre une réflexion sur la place du livre dans la culture contemporaine et les pratiques actuelles de consommation culturelle.
5. Études du livre et identités subalternes
Les études du livre sont aussi l’occasion de montrer les convergences entre des luttes politiques subalternes et des moyens de diffusion. En effet, nombre de travaux actuels s’intéressent à des moyens de diffusion marginaux, investis par des groupes affinitaires et politiques aux tendances variées. En parallèle de l’économie du livre s’élaborent des économies alternatives qui sont aussi des modes de vie et d’expression marginalisés. Cela permet de reformuler à nouveaux frais d’anciennes questions de sociologie de littérature : la petite édition (voire la micro-édition, voire l’auto-édition) veut-elle constituer une avant-garde visant à transformer le champ éditorial, ou incarne-t-elle plutôt un pôle contre-culturel, investissant les marges pour y rester ?
Formule de l’événement
Les études du livre au XXIe siècle sont un champ disciplinaire naissant, même si des travaux qui en relèvent ont été menés isolément depuis des années. Nous faisons le pari que l’enrichissement de ces recherches passe par la mise en lien des nombreux⋅ses chercheur⋅es, autant en poste qu’en formation, qui consacrent leurs efforts à déblayer divers aspects de cette thématique. Nous souhaitons ainsi mettre en valeur les recherches actuelles à travers un événement qui contribuera à mieux tisser une communauté scientifique francophone portant sur les études du livre au XXIe siècle.
Équipe
Comité scientifique
- René Audet, Université Laval
- Julien Lefort-Favreau, Université Queen’s
- Mélodie Simard-Houde, Université du Québec à Trois-Rivières
Coordination et animation
- Charlotte Biron, professionnelle de recherche, LQM
- Joanie Grenier, doctorante, GRÉLQ / Université de Sherbrooke
Partenaires de l’événement
- Littérature québécoise mobile, pôle Québec
- Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec (GRÉLQ)
- Conseil de recherches en sciences humaines du Canada
- Fonds de recherche Québec – Société et culture (FRQSC)
Notes
[1] Le livre homothétique, par opposition au livre enrichi, est un «livre numérique équivalant, notamment par son format et sa mise en forme, à la version papier du même ouvrage ». Office québécois de la langue française, entrée « livre homothétique », Le grand dictionnaire terminologique, http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche= 26541383
[2] Rachel Noorda et Stevie Marsden, « Twenty-First Century Book Studies : The State of the Discipline », Book History, vol. 22, 2019, p. 370-397, https://doi.org/10.1353/bh.2019.0013
[3] Leslie Howsam, « Réfléchir par l’histoire du livre. » Mémoires du livre / Studies in Book Culture, vol. 7, n° 2, printemps 2016, https://www.erudit.org/fr/revues/memoires/1900-v1-n1-memoires02575/1037043ar/