Le colloque « Études du livre au XXIe siècle » visait à mettre en valeur les chantiers de recherche en cours et à mettre en lien les jeunes chercheur⋅e⋅s d’un domaine scientifique qui se dessine à l’intersection de la littérature contemporaine, de l’histoire du livre et de l’édition, de la culture médiatique et des arts visuels. Il s’est tenu en ligne du 8 mars au 17 mai 2021, par la livraison de communications en ligne. Voici une des communications.
« De l’écran à la page : déjouer la logique des plateformes numériques et redéfinir le livre », Allan Deneuville, École universitaire de recherche ArTeC et UQAM
Allan Deneuville examine les stratégies sont déployées dans les œuvres qui partent de l’écran et qui deviennent imprimées. Celles-ci correspondent à une sorte de littérature numérique papier. Les œuvres qui passent de pratiques littéraires marginales (comme la littérature numérique) à l’imprimé proposent une critique internaliste du livre, remettant en question sa forme et en brouillant la ligne entre littérature et littérature numérique. En effet, ces œuvres ne peuvent exister sans les pratiques de littérature numérique, mais sont imprimées. Cette littérature numérique papier propose une exploration sociale sous forme de poésie. Elles semblent correspondre à un régime esthétique du flux, devenu aujourd’hui suspect, car les flux de données servent à profiler et surveiller les utilisateur. rices pour en tirer un gain capital. Les mécanismes qui permettent ce processus composent ce que Shoshana Zuboff nomme le capitalisme de surveillance.
La littérature numérique imprimée résiste à ce régime de pouvoir. En effet, les contenus imprimés auraient capturé les données du lectorat s’ils étaient lus sur une plateforme numérique. L’impression empêche les mécanismes de capture de l’attention (j’aime, retweets) et permet de rompre les flux de données. L’attention ne peut donc pas être surveillée. De plus, les contenus donnés à lire sont de ceux qui reçoivent habituellement peu d’attention (comme dans le cas de tweets individuels et de commentaires sur des vidéos). Le passage de l’écran vers la page se produit en réponse à l’expansion des plateformes et témoigne d’une perte de confiance en l’utopie du Web des années 1990 et 2000. C’est donc une littérature numérique papier, technocritique, refusant certains attributs du numérique (avantages comme inconvénients). Deneuville termine en proposant que le livre se transforme aujourd’hui peut-être en espace sanctuaire, libre de surveillance.
À propos d’Allan Deneuville
Diplômé d’une licence de philosophie de l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I), de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et du master de création littéraire de l’Université Vincennes–Saint-Denis (Paris VIII), Allan Deneuville est aujourd’hui doctorant contractuel en cotutelle entre l’École universitaire de recherche ArTeC sous la direction de Yves Citton, et l’Université du Québec à Montréal (UQAM) sous la direction de Bertrand Gervais.
Sa thèse de doctorat, intitulée « CTRL-C/CTRL-V : Écrire après les réseaux sociaux », porte sur l’appropriation et la circulation des textes sur et à partir des réseaux sociaux. Il est co-fondateur du projet de recherches et de créations « Après les réseaux sociaux » et il vient de co-diriger le numéro 22 de la revue Formules de l’université de l’état de New York à Buffalo portant sur les liens entre littératures, performances et technologies.
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